Les rustines souffrent souvent de l'image de solutions bâclées et temporaires. En tout cas le terme est vastement utilisé dans son sens figuré pour se référer à une telle représentation. Mais aujourd'hui, les rustines au sens propre du terme représentent un moyen fiable et pérenne de réparer une chambre à air trouée. Une fois qu'on maîtrise leur pose, découvrir son pneu à plat n'est plus si dramatique. En fait, une application efficace de rustine représente peu de travail supplémentaire au changement complet de la chambre à air.
En 2020, j'ai équipé les deux roues de mon vélo de pneus Michelin Dynamic Classic. Ceux-ci ont une apparence idéale pour les bicyclettes âgées, et sont très abordables, puisqu'on peut avoir la paire pour 30€. Cependant ils n'ont aucun revêtement anti-crevaison, ce qui se ressent très vite lorsqu'on roule à Paris, où l'on rencontre souvent du verre pilé sur la chaussée. En effet, en utilisant ces pneus presque 2 ans, j'ai crevé environ une fois par mois. À ce rythme, privilégier la pose d'une rustine au changement de chambre à air n'est pas qu'un avantage écologique, c'est aussi économique.
J'ai donc acquis une certaine expérience en pose de rustine. Pour ma première tentative, j'ai suivi des conseils trouvés en ligne, et me suis complètement raté. En fait, je ne suis pas d'accord avec une petite partie des mesures souvent recommandées. Toutes mes tentatives suivantes (sauf une, voir ci-après) ont été fructueuses.
Voici dans un premier temps mes conseils pour la pose d'une rustine. Ensuite, je livre les statistiques que j'ai recueilli à leur sujet.
Guide de pose d'une rustine
Voici comment je pose une rustine :
- Démonter la roue, sortir un flanc du pneu avec un ou deux démonte-pneus, et sortir la chambre à air. Il est techniquement possible d'appliquer une rustine sans démonter la roue : on va réparer la chambre tout en ayant celle-ci emprisonnée par le cadre du vélo. Je n'ai jamais essayé et je déconseille, la détection de la fuite et la réparation ne sont déjà pas aisées, et cela compliquerait beaucoup la tâche.
- Gonfler un peu la chambre et chercher la fuite d'air. On s'aide souvent du bruit et du souffle associés. Si c'est difficile, passer la chambre à air sous le nez et la faire tourner : la peau est très sensible au niveau de la moustache et cela aide à détecter un souffle d'air. Si c'est toujours compliqué, alors il faut immerger la chambre gonflée dans un seau d'eau par exemple, et chercher d'où en sortent de fines bulles.
- Une fois le trou trouvé, l'entourer de larges cercles et de flèches au stylo-bille. C'est utile parce que celui-ci va certainement devenir quasiment invisible lorsque la chambre sera dégonflée.
- Dégonfler la chambre. Avec un petit morceau de feuille abrasive souvent fourni dans les kits, poncer légèrement la zone du trou, au moins là où la rustine sera en contact. Inutile de forcer, on cherche juste à «balayer» la zone avant traitement.
- Étaler la colle à rustine sur le trou, pour recouvrir au moins la zone qui sera sous la rustine. Inutile d'en mettre beaucoup. Ne pas hésiter à toucher avec le doigt, les colles modernes sont inoffensives de ce point de vue.
- Attendre que la colle sèche. En fait cette étape consiste à attendre l'évaporation des adjuvants, mais pas de celle de l'agent vulcanisant lui-même. Je conseillerai ici un délai autour d'une grosse minute, voir deux minutes en hiver. En été, quelque chose comme 30 secondes. Ce temps varie avec la température et la marque de la colle. Mais il n'y a pas besoin d'être précis, en fait on peut voir que les adjuvants sont partis quand, en touchant avec le doigt, on sens une substance assez gluante, qui fait des fils lorsqu'on éloigne celui-ci.
- Retirer l'opercule de la rustine et la placer sur le trou. Veiller à être précis sur le positionnement, puis appliquer une force si possible sur toute la rustine pendant 4 ou 5 minutes. Attention, lors du début du délai, il est facile d'avoir la rustine qui se déplace lentement sur la chambre, sans qu'on ne s'en rende compte. L'unique pose ratée que j'ai une fois expérimenté est justement due à ça. Pour éviter ceci, ne pas éloigner le regard de la pose lors de la première minute au moins.
- Une fois le délai passé, on peut cesser d'appliquer la force contre la rustine. Il faut maintenant retirer la pellicule qui est sur elle. Procéder lentement et précautionneusement. Si les bords oranges de la rustine ont tendance à venir avec le papier, ce n'est pas grave, mais il faut les retenir avec les doigts, autrement toute la rustine va se retrouver tirée. J'ai lu quelques fois en ligne que si les bords faisaient ça, c'est que la rustine était mal posée. En réalité c'est parce que la pression n'a pas été appliquée jusqu'aux bords de celle-ci, mais ce n'est pas un soucis si le centre a bien adhéré. Cela peut-être compliqué d'appuyer même sur les bords orange, notamment avec certaines rustines bien larges.
- La rustine est maintenant posée. On peut gonfler un peu la chambre pour vérifier. Avant de remonter la chambre, il faut absolument sortir complètement le pneu et jeter un coup d'œil sur l'état de son revêtement intérieur. L'élément perçant est peut-être toujours enfoncé dedans, et le cas échéant il faut évidemment le retirer pour ne pas recrever très rapidement. Ne pas hésiter à toucher et caresser cette surface avec le doigt en cas de doute.
- Si tous les feux sont au vert, remonter le pneu, la chambre et la roue. Regonfler. Inutile de redouter une explosion de la rustine, si celle-ci est vraiment mal posée, elle peut au bout d'un moment relaisser un flux d'air sortir, mais certainement pas éclater.
Mes statistiques autour des rustines
J'ai entendu dire que l'on crève quasiment tout le temps sur la roue arrière, parce que c'est elle qui supporte le plus de poids. Sur mon vélo qui a un cadre diamant, c'est faux : lorsque j'ai finalement changé mes pneus pour de nouveaux modèles avec une protection, j'avais 8 rustines à l'arrière, et 8 rustines à l'avant.
![Photographie de mes deux chambres à air avant que je ne les jette. Chacune a 8 rustines collées sur elle.](/ressources/rustines-01.jpg)
Comme expliqué plus haut, une fois que j'ai compris comment réaliser la pose, une seule d'entre elle a échoué, car j'avais sans m'en rendre compte fait lentement bouger la rustine pendant la pression. Il m'a suffit de reposer une autre rustine sur le bord de la première pour régler le soucis. Ainsi, toute les rustines qui ont tenu 5 minutes n'ont au final jamais lâché.
![Photographie d'une partie d'une de mes chambres à air, où l'on voit que j'ai collé une rustine sur le bord d'une autre rustine.](/ressources/rustines-02.jpg)
J'ai retrouvé l'élément perçant dans le pneu environ 1 fois sur 3. Il s'agissait, à une exception, tout le temps de verre.
![Photographie d'un autre petit morceau de verre qui m'a causé une crevaison.](/ressources/rustines-04.jpg)
J'ai une fois retrouvé dans mon pneu l'intrus ci-dessous, il est d'une matière inconnue, mais bien solide.
![Photographie d'un petit morceau de matière inconnue qui m'a causé une crevaison.](/ressources/rustines-05.jpg)
Enfin, sur mes 16 crevaisons :
- 2 seulement ont provoqué un dégonflage instantané pendant que je faisais du vélo. Toutes les autres ont été découvertes au moment où je m'apprêtais à monter sur mon vélo.
- une d'entre elles était lente au point que j'ai seulement pu repérer le trou en passant la chambre à air sous mon nez.
- une seule autre était tellement lente au point que j'ai dû immerger la chambre à air dans de l'eau pour trouver le point de fuite.